Venise pour le bal s’habille.
De paillettes tout étoile,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.
Arlequin*, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d’une note fantasque
Cassandre son souffre-douleurs.
Battant de l’aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc
Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne l’oil.
Le
Docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sons traînés ;
Polichinelle, qui se fâche,
Se trouve une croche pour nez.
Heurtant
Trivelin qui se mouche
Avec un trille extravagant,
A
Colombine
Scaramouche
Rend son éventail ou son gant.
Sur une cadence se glisse
Un domino ne laissant voir
Qu’un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.
Ah ! fine barbe de dentelle,
Que fait voler un souille pur,
Cet arpège m’a dit :
C’est elle !
Malgré tes réseaux, j’en suis sûr,
Et j’ai reconnu, rose et fraîche,
Sous l’affreux profil de carton,
Sa lèvre au fin duvet de pèche,
Et la mouche de son menton.
***
Théophile Gautier – The Poetry Monster
Théophile Gautier (1811-1872) était un écrivain, poète et critique d’art français du 19e siècle. Il est surtout connu pour ses écrits sur le mouvement romantique et son influence sur la littérature française. Ses œuvres les plus célèbres incluent “Mademoiselle de Maupin” et ses poèmes tels que “La Comédie de la Mort”.