Pour contraste, la main coupée
De
Lacenaire l’assassin.
Dans des baumes puissants trempée.
Posait auprès, sur un coussin.

Curiosité dépravée !
J’ai touché, malgré mes dégoûts.
Du supplice encor mal lavée.
Cette chair froide au duvet roux.

Momifiée et toute jaune
Comme la main d’un
Pharaon.
Elle allonge ses doigts de faune
Crispés par la tentation.

Un prurit d’or et de chair cive
Semble titiller de ses doigts
L’immobilité convulsive,
Et les tordre comme autrefois.

Tous les vices avec leurs griffes
Ont dans les plis de cette peau,
Tracé d’affreux hiéroglyphes.
Lus couramment par le bourreau.

On y voit les ouvres mauvaises
Ecrites en fauves sillons.
Et les brûlures des fournaises
Où bouillent les corruptions ;

Les débauches dans les
Caprées
Des tripots et des lupanars,
De vin et de sang diaprées,
Comme l’ennui des vieux
Césars !

En même temps molle et féroce,
Sa forme a pour l’observateur
Je ne sais quelle grâce atroce,
La grâce du gladiateur !

Criminelle aristocratie,
Par la varlope ou le marteau
Sa pulpe n’est pas endurcie,
Car son outil fut un couteau.

Saints calus du travail honnête,
On y cherche en vain votre sceau.
Vrai meurtrier et faux poète,
Il fut le
Manfred du ruisseau !














 

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Poèmes de Théophile Gautier

Théophile Gautier – The Poetry Monster